samedi 22 juin 2013

LES GLORIEUX, un livre de Marion GRONIER

Marion GRONIER (1976) est photographe. L'essentiel de son oeuvre est constituée de portraits. En Chine, en Inde ou au Japon, elle s'est intéressée aux acteurs de petits théâtres qu'elle a photographiés dans les coulisses, au moment où ils se relâchent, dit-elle, juste après leur prestation, alors que l'on peut lire l'effort dans leur regard, que les maquillages ont commencé à fondre... Dans le même esprit, elle a réalisé des portraits des jeunes candidates aux concours amateurs des mini-stars. En diptyque avec leur mère.
Il y a de la continuité dans sa démarche.
Le dossier constitué à partir de ce travail lui a permis d'obtenir la bourse pour la résidence BMW au Musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône. BMW finance la recherche photographique aussi.
Là, elle a choisi de s'intéresser aux artistes de cirque, dans le même esprit que ses précédents travaux. C'est à dire qu'elle utilise les visages des artistes pour essayer de saisir un moment improbable où le corps et l'esprit du photographié sont en suspens, dans un univers non maîtrisé.
Un ouvrage est publié. Il porte en titre "Résidence BMW au musée Nicéphore Niepce" et à l'intérieur "Les Glorieux" (Editions Trocadéro). Beau titre en réalité.
Format 20 x 25 cm, couverture rigide, 33 photos couleur, 25 €

Oui, beau titre car ils sont vraiment glorieux la plupart des artistes de cirque que nous apprécions...
Bien sûr, nous sommes ici dans une photographie intellectuelle dont l'objet n'est pas la description documentaire de nos artistes. Vous ne trouverez nulle part leur nom. Anonymes et peut-être dérisoires. En tout cas aucune empathie ne se dégage. Mais vous l'avez bien compris, ce n'était pas le but. Et c'est d'ailleurs un point de vue que j'accepte : le photographe a son mot à dire. Que l'on demande aux "modèles" de ne pas sourire correspond déjà à une recherche. J'ai extrait du livre quelques artistes reconnus - et bien connus dans notre milieu - ce qui permet d'essayer de comprendre la démarche de la photographe et d'avoir sa propre idée sur la qualité de son propos.

Il est clair que le numéro de Serguei Baryshnikov est tellement physique que son visage est nécessairement très marqué. Qu'en déduire ? Qu'il aspire à prendre une bonne douche !

Est-ce que Julot Falk a souvent des états d'âme ? Oui, lorsqu'il se demande s'il y aura suffisamment de spectateurs à la prochaine séance. Et si son arthrose ne le fera pas boiter en piste.

Paulina Salvini n'a aucune pression et son maquillage tient bien. Elle a seulement trop chaud dans son sac.
Et à quoi pense-t-elle quand elle sort de piste ? Peut-être à la lessive qu'elle doit mettre en route avant le prochain spectacle...

Le beau visage de la vietnamienne Thu Hien est d'une limpidité exemplaire. Pourquoi l'avoir choisie ? Elle fait son job avec sérieux et constance. J'espère qu'elle se sent bien en France...

Enfin, Romain, alias Mario Paoli, qui a fait le choix d'être Monsieur Loyal, n'a aucun secret tragique à camoufler ni exubérance notoire. Je trouve qu'il fume beaucoup et le lui ai dit. En dehors de cela, ses pensées sont peut-être de simples questions d'intendance. Quand on a trois spectacles à assurer dans la journée et qu'on est présent du début à la fin du spectacle, il ne reste plus beaucoup de temps pour le reste.

Marion GRONIER, vous voulez vivre de votre photographie (et dans le monde difficile que nous vivons, personne ne vous fera injure de bien profiter des réseaux qui vous permettent d'exposer et d'avoir des articles dans les magazines spécialisés), mais les photographiés sont des humains - avec leurs rêves qui valent bien ceux de n'importe qui. Alors, vouloir capter l'idée de déséquilibre qu'ils sont sensés exprimer en sortant de piste ou de scène est une "menterie" comme on dit dans les campagnes, de la mousse pour bobo..
Et que dire de cette introduction du patron du musée Niepce, François Cheval. C'est sans doute parce que je ne suis pas sensible que je ne vois pas "ces visages hachés, ces regards hébétés et leurs yeux inquiets et absents.[...] Tout cela sent le doute et la résignation.[...] Tout a fondu, coulé. Les visages suintent et abdiquent..." Et ça continue :"En privilégiant le dissymétrique et les traits irréguliers, tout cela donne du réel, avec des couleurs de viande et de décoration grossière, une odeur putride, une odeur de charogne..."
Arrêtons le massacre. 
Ce type est à haïr comme beaucoup de responsables culturels.
Vos photos n'expriment pas du tout ce qu'il raconte. Et je ne vois pas concrètement réalisée votre idée de départ. Il y a, comme partout, un travail photographique à construire, encore faut-il comprendre son sujet. On n'entre pas dans le monde des artistes de cirque comme on fait des courses au supermarché. 







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