mercredi 2 novembre 2016

Ar Vellad, la soule bretonne

La soule est un jeu avec une balle entre deux ou plusieurs équipes concurrentes. Ce jeu a disparu. Les amoureux des traditions l'ont réinventé (Picardie, Normandie). En Bretagne aussi, l'espace de quelques années. 
Voici cette aventure qui nous est restée grâce à DASTUM (ce qui veut dire recueillir, en breton, association dont le but est de collecter pour sauvegarder et diffuser ensuite ce qui constitue notre patrimoine immatériel).
DASTUM a publié un ouvrage qui raconte la pratique de la "vellad" dans le village de Kergohann, en Languidic (Morbihan), dans les années 80. Serge Moëlo a enregistré les commentaires des habitants et Jean-Pierre Le Bihan a photographié l'évènement. Voici la couverture de l'ouvrage. 
Je parle de ceci car je rencontre régulièrement Jean-Yves Baudet qui fut un bénévole qui oeuvra à Kergohann à cette époque. Il en a conservé un album photographique qu'il a eu l'amabilité de me prêter.
Je pourrais aussi en dire deux mots car, à la même époque mais pas les mêmes années, j'ai photographié en partie cette fête. Mais revenons à ce que nous apprend l'histoire racontée par DASTUM.
La fête de Kergohann a été lancée en 1967 par le club sportif de Languidic (la Stiren) pour son profit mais elle a été reprise (début 80 ?) par un comité de quartier pour restaurer la chapelle du village. Le nom d'Edouard Le Sausse restera lié à la renaissance de la "vellad" dans ce lieu.
Ci-dessous le programme de la fête en 1983.
Programme vraiment très sympathique.

Ecoutons ce que racontent les organisateurs :
"Cette "vellad" est vieille, elle a été lancée pendant la guerre 39-45 et peut-être même 14-18 (serait-ce le nom de la boule ?). Avant (il y a très longtemps...), c'était du crottin de cheval entouré de cuir, maintenant, c'est de la sciure. Je l'ai trempée pour que la sciure ne sorte pas, dit Edouard Le Sausse, elle est bien cousue, c'est un bourrelier qui l'a faite.
Il y a eu un trou de dix-huit ans après la guerre : les jeunes préféraient aller danser dans les salles de danse plutôt que sur la lande. C'était plus facile pour valser.
Pendant la guerre, pour se regrouper, les jeunes choisissaient des endroits perdus dans la nature, où on ne les voyait pas et où on ne les entendait pas... parce que les Allemands étaient quand même dans le secteur. Les jeunes de 20-25 ans étaient dans le maquis mais les plus jeunes se défoulaient comme ça...
J'avais une dizaine d'années quand j'ai vu la "vellad" pour la première fois. Avant la "vellad", il y avait la danse : un accordéoniste du coin jouait dans une charrette, raconte à son tour Marcel Brient... 
Il faut lire le texte dans son originalité et apprécier le langage.

Autrefois, il n'y avait pas d'arbitre. Personne ne contrôlait le jeu. Là, c'est Edouard Le Sausse qui organise : il prend les inscriptions, précise les règles pour éviter la triche.
Il a créé un règlement : 4 ou 5 par équipe. Il faut aller loger la "vellad" dans une cheminée, dans la cendre, dans un village situé au-delà des premiers villages qui entourent Kergohann. Il y a donc des villages interdits. C'est ce qu'Edouard explique aux compétiteurs.


Il lance la petite balle deux fois pour rien. La troisième fois est la bonne. Il peut y avoir mêlée si la boule reste sur place. Et puis c'est la course. Les anecdotes sont nombreuses.


C'est dans la cendre d'une cheminée que le coureur qui tient la balle doit la déposer. Avant, à la campagne, toutes les maisons étaient ouvertes, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. "Je tolère qu'ils s'arrêtent devant la porte !"
Souvent le propriétaire est ravi de voir arriver la "vellad" chez lui, et tout le monde boit du cidre.



L'équipe vainqueur gagne un porcelet ou un mouton. Il y a 4 prix pour encourager les gens à courir. Le deuxième prix, c'est un dindon, les 3e et 4e, une andouille.
Mais toujours, pur jus à volonté !



Seul le départ peut être vu par les spectateurs car le jeu se perd dans la nature ensuite à travers landiers et marécages à traverser. Deux heures plus tard, c'est la remise des prix.
Jean-Pierre Le Bihan a photographié ce jeu en 1983 et 1986.
Serge Moëlo a enregistré les explications en français et en breton en 1983 et 1985.

J'ai photographié le départ de la vellad en 1985... mais je n'ai pas suivi la course : j'étais allé à Kergohann(e) pour les accordéonistes, essentiellement.
Cette année-là, les compétiteurs avaient choisi de se déguiser genre féminin. Voici quelques images où l'on voit Edouard Le Sausse enregistrer les concurrents, expliquer la règle du jeu au micro et lancer la vellad.
Il y eut une dernière vellad en 1986, m'a expliqué Jean-Yves Baudet. Il est vraisemblable que ce soit à cause des assurances que l'association devait prendre pour se couvrir, en cas d'accident, qu'elle décida de supprimer l'épreuve.
Ce qui était un amusement à la bonne franquette a été rattrapé par les responsabilités que l'on vit dans le monde d'aujourd'hui.








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